Après un long arrêt, long, seulement au niveau de la production, je reprends le chemin du blog.
Je m'attelle à un long travail d' installation mêlant peinture et broderie.
Le prétexte, la base en est l'histoire de Procné et Philomèle . Histoire décrite par Ovide dans les Métamorphoses Livre VI et analysée par Françoise Frontisi-Ducroux dans Ouvrages de Dames Ariane, Hélène, Pénélope.
« Il était une fois un roi d’Athènes qui avait deux filles. Ainsi commence le conte cruel de Procné et Philomèle. Quand on est roi d’Athènes, on n’a aucun mal à bien marier ses filles. Pourtant Pandion donne son aînée à un étranger. Celui-ci, Térée, est roi, certes, mais de Thrace, royaume lointain des contrées nordiques, à demi-barbares. Cette alliance un peu trop distante s’explique par des raisons politiques. Térée a rendu service au roi d’Athènes en lui apportant une aide militaire décisive dans une situation désespérée : Athènes assiégée par des peuples venus de la mer. Procné est donc sacrifiée à la Raison d’État. De ses premières années de mariage on ne sait pas grand-chose. La tragédie de Sophocle, Térée, qui la mettait en scène, est perdue : il n’en reste que des lambeaux difficiles à interpréter. L’un de ces fragments semble dire le déplaisir de l’héroïne à se sentir déracinée, isolée dans un pays étranger, dans une langue incompréhensible. Térée lui a fait un enfant, un fils, le petit Itys, qui apparemment ne suffit pas à guérir sa tristesse. Dans ses Métamorphoses, Ovide comble les lacunes des témoignages grecs, en livrant tous les détails. Procné se languit de sa sœur Philomèle. Elle demande à lui rendre visite. Mais une épouse ne revient pas vers la maison de son père. Térée qui chérit Athènes et probablement son beau-père, saute sur l’occasion d’un voyage et s’offre à aller chercher sa belle-sœur. Mais dès qu’il a vu la beauté de la jeune fille son sang s’est enflammé. C’est dû, explique Ovide, « à une sensualité innée : on est porté dans ces pays vers les plaisirs de Vénus ; le vice qui le ronge est le sien et celui de sa race ». Sur le chemin du retour, il viole Philomèle et lui coupe la langue pour l’empêcher de porter plainte. Mais elle réussit à avertir sa sœur en tissant au métier son horrible aventure. Les deux sœurs se vengent en découpant le petit Itys qu’elles servent, cuisiné, à son père. Elles s’enfuient vers Athènes, poursuivies par Térée, et tous sont métamorphosés en oiseaux, Procné en rossignol, Philomèle en Hirondelle, Térée en huppe et le petit Itys en roitelet. »
Françoise Frontisi-Ducroux Ouvrages des Dames Ariane, Hélène, Pénélope…
Mon travail sera axé sur la tragédie de Philomèle : le viol, la mutilation, la déshumanisation et cette voie qu'elle utilise pour informer sa soeur. " ...sa bouche muette ne peut révéler le forfait. Mais l'ingéniosité de la douleur est infinie et le malheur fait naître l'adresse."
Ovide Les Métamorphoses Livre VI Procné et Philomèle Traduction de Georges Lafaye
Tout d'abord le travail sur cette langue mutilée.
Langues de soie( 24 pièces) de trois rouges différents
avec cordonnets ou rubans
11x5cm à peu près.
« Philomèle tendait la gorge ; à la vue de l’épée, elle avait espéré la mort ; mais tandis que sa langue indignée invoque sans cesse son père et s’efforce de parler, Térée la lui saisit avec des pinces et la coupe avec son épée barbare ; la racine de la langue s’agite au fond de la bouche ; la langue elle-même tombe et, toute frémissante, murmure encore sur la terre noire de sang ; comme frétille la queue d’un serpent mutilé, elle palpite et, mourant, elle cherche à rejoindre le reste de la personne à qui elle appartient. » Ovide Les Métamorphoses Livre VI Procné et Philomèle Traduction de Georges Lafaye