Hybrides comme une réappropriation de la peinture de genre telle que les Trois Grâces ou le jugement de Paris dans une forme grotesque et dérisoire : utiliser un topos de la « féminité » et en changer le message.
Là, aucune beauté offerte mais des corps hybrides formés d’un buste normé, lisse de plastique moulé en opposition à des jambes réelles avec leurs cellulite, veines apparentes, cicatrices….
Formellement une perfection froide face à des jambes sur lesquelles le temps s’est déposé : un vécu rendu par une palette diverse face à des matières sans vie et froides et parfaites qui ne sont que couleur unie.
La toile joue à diriger le regard, à le faire ricocher de lumière en lumière et à emmener le regardeur, à l'inciter à s’approcher afin d’observer la gamme colorée qui joue avec l’abstraction.
Le tableau n’est pas seulement une image mais se doit d’être une richesse chromatique et un travail de glacis.
Outre l’image, la peinture et sa richesse se révèlent dans les détails.
Un dialogue muet et aveugle, une confrontation de deux bustes, l’un de plastique moulé, l’autre moulé de temps.
Un corps devenu paysage, fait de vallées et de monts, construit par le vécu, le temps, tandis que l’autre n’est là que pour souligner ce vivant imparfait mais vivant.
Le buste de mannequin n’est qu’un faire valoir dérisoire et ironique qui pointe les défauts, les marques du corps devenu palimpseste d’une vie, sur lequel chaque détail peut être corrélé à un épisode.
Ce corps-ci est émotion, en mutation constante, une chair à représenter.
Les objets soulignent l’écriture de la peau.
Et la peinture, au-delà de l’image, est une surface à scruter faite de lavis déposés, une épaisseur detemps.
Une nouvelle forme est expérimentée : le paravent. Un jeu fragmenté de formes pour agrémenter un espace, une entrée dans le quotidien de l'atelier avec ce corps, toujours et ces objets qui en forment l'univers.
"[…] ces patientes appropriations d’un coin de rue, d’un trottoir, et ces vies dissolues dans le mouvement et le passage. " Philippe Vasset Un livre blanc
Une figure empruntée dans ses membres, trop anguleux, trop grands, trop déployés : un corps comme chantourné.
Dans l’ombre, dans une encoignure, une discrétion …
Ces vies qui sont au monde, dans le monde, dans la presse mais dans une existence niée…. enrendre compte par la peinture, une peinture humaniste
Des petites pièces comme des miniatures : un travail de peinture à très petites touches.
Une autre façon de peindre qui n’engage pas le corps mais nécessite, malgré tout, ces allers-retours entre le minuscule et regard posé sur l’entièreté de l’image.
Un grotesque minimal dans ces pas de deux des personnages qui jonglent entre eux et avec les bouées.
Dans ce clair obscur, les bouées apportent une tache de couleur et une forme incongrues.
Depuis longtemps, travaillée par la force de la peinture d’Artemisia Gentileschi, avec mes possibilités et le passé de mon travail, j’ai voulu et eu besoin de m’atteler à cette composition.
Au delà de ce que raconte « Judith et sa servante », c’est la composition de ce tableau qui a été la base de cette toile.
Rotondité et lignes.
Les lignes structurent l’espace tandis que les rotondités les adoucissent.
Les corps disparaissent dans l’obscurité laissant le crâne en lumière.
Malgré tout, l’énergie est là, les corps sont en action, tendus.
L’énergie et le spectre se contrebalancent comme l’obscurité et la lumière.
Ces tensions sont adoucies par un unique regard bienveillant.
Aucun sentiment mortifère malgré le réalisme revendiqué, simplement une force qui va, tournant le dos à ce crâne en reconnaissant sa présence; Une force active
Cette toile d’un format inusité, un rectangle étroit de 40x120cm permet voire impose ce louvoiement du corps, une espèce de corde qui se heurte aux parois du châssis ou les déborde.
Ce format et cette sinuosité renvoient à l’art japonais, à ses formes ondulant dans des kimonos.
À chercher dans le côté droit, en bascomme les signatures sur les estampes; la forme d’un
objet sans valeur, détérioré louvoyant, aussi, comme un rappel, un bégaiement.
Travailler la chair dans sa fragilité permet une peinture du détail qui devient abstraite; ventre, genou, là, c’est de la peinture « pure » outre toute figuration; les glacis, les couleurs offrent une abstraction.