Quand une petite pièce (des nuages) de circonstance faite en septembre dernier sème ses graines et réapparaît au gré du travail…
Ce corps s’enfonçant dans les nuées a petit air de XVIII° siècle, une réminiscence de Watteau, de Boucher; toutes proportions gardées!
Et la cellulite, outre la revendication du corps réel, est un hommage à Courbet qui fait aimer les défauts.
Je poursuis mon exploration de la réalité corporelle toujours dans ce plaisir de peindre, dans le questionnement du détail. Un exploration d’un corps revendiqué, d’un corps vécu qui a vécu, aussi!
La texture de l’huile me permet d’allier rendu de la peau et celui des nuages. J’ai plaisir à scruter et à rendre les défauts de la peau (la cellulite) avec réalisme mais mon utilisation de l’huile se veut d’une grande douceur.
Mon matériau, mon matériel, ma façon d’apposer la peinture, tout est douceur. Une douceur pour contrebalancer le réalisme.
Ce calme, pour autant, induit une disparition annoncée, la figure disparaît les nuées: une calme disparition .
Le tondo, une nouvelle forme de support à expérimenter.
Pour moi, le disque enferme, il n’y a pas d’échappatoire, ça tourne, ça gire sans fin sur un retour sur la figure.
À partir de la posture duDÉSESPÉRÉ de Gustave Courbet, toujours face au miroir, j’ai peint ce buste avec application.
Après cette retranscription fidèle du reflet, il y a une force, une joie débordante de se lancer, de se lâcher dans un geste non maîtrisé de recouvrement.
Jusqu’où aller, comment?
Des aplats translucides au spalter jusqu’à l’utilisation de chiffons et pinceaux secs , le propos est de cacher et laisser voir, de laisser « apparaître cette disparition », ce souffle, cette buée, cette réalité passagère.
Le lierre est venu conclure ces superpositions et travailler la profondeur.
En référence à la chevelure en paquet de CLOTHO de Camille Claudel, j’ai utilisé cette plante qui s’enroule comme une masse envahissante et cachant.
Une contemplation, des trouées d'être dans le fouillis du végétal. L'illustration d'une humanité en questionnement au sein de la nature.
Mon travail cherche à déborder l'unique questionnement sur l'humain pour recontextualiser celui-ci dans le grand tout qui nous enserre.
L'accumulation du feuillage accentue la profondeur qui accède à la trouée des ciels. Le personnage est à la fois perdu et au creux protecteur de la nature.
La trouée est récurrente dans le portrait de la Renaissance italienne, comme un déploiement d'une nature qui surpasse de loin l'humanité.
Hybrides comme une réappropriation de la peinture de genre telle que les Trois Grâces ou le jugement de Paris dans une forme grotesque et dérisoire : utiliser un topos de la « féminité » et en changer le message.
Là, aucune beauté offerte mais des corps hybrides formés d’un buste normé, lisse de plastique moulé en opposition à des jambes réelles avec leurs cellulite, veines apparentes, cicatrices….
Formellement une perfection froide face à des jambes sur lesquelles le temps s’est déposé : un vécu rendu par une palette diverse face à des matières sans vie et froides et parfaites qui ne sont que couleur unie.
La toile joue à diriger le regard, à le faire ricocher de lumière en lumière et à emmener le regardeur, à l'inciter à s’approcher afin d’observer la gamme colorée qui joue avec l’abstraction.
Le tableau n’est pas seulement une image mais se doit d’être une richesse chromatique et un travail de glacis.
Outre l’image, la peinture et sa richesse se révèlent dans les détails.
Un dialogue muet et aveugle, une confrontation de deux bustes, l’un de plastique moulé, l’autre moulé de temps.
Un corps devenu paysage, fait de vallées et de monts, construit par le vécu, le temps, tandis que l’autre n’est là que pour souligner ce vivant imparfait mais vivant.
Le buste de mannequin n’est qu’un faire valoir dérisoire et ironique qui pointe les défauts, les marques du corps devenu palimpseste d’une vie, sur lequel chaque détail peut être corrélé à un épisode.
Ce corps-ci est émotion, en mutation constante, une chair à représenter.
Les objets soulignent l’écriture de la peau.
Et la peinture, au-delà de l’image, est une surface à scruter faite de lavis déposés, une épaisseur detemps.
Une nouvelle forme est expérimentée : le paravent. Un jeu fragmenté de formes pour agrémenter un espace, une entrée dans le quotidien de l'atelier avec ce corps, toujours et ces objets qui en forment l'univers.
"[…] ces patientes appropriations d’un coin de rue, d’un trottoir, et ces vies dissolues dans le mouvement et le passage. " Philippe Vasset Un livre blanc
Une figure empruntée dans ses membres, trop anguleux, trop grands, trop déployés : un corps comme chantourné.
Dans l’ombre, dans une encoignure, une discrétion …
Ces vies qui sont au monde, dans le monde, dans la presse mais dans une existence niée…. enrendre compte par la peinture, une peinture humaniste