« Le dieu du jour avait accompli à travers les douze signes sa course d’une année ; que pourrait faire Philomèle ? Des gardes s’opposent à sa fuite ; autour d’elles se dressent les épaisses murailles de la bergerie, construite avec des pierres massives ; sa bouche muette ne peut révéler le forfait. » Ovide Les Métamorphoses Livre VI Procné et Philomèle Traduction de Georges Lafaye
Je continue ce travail sur Philomèle ; comment rendre compte de cette « solitude ignoble », de cette déshumanisation infligée de surcroît ? Cette jeune athénienne violée, mutilée, abandonnée à sa solitude m’a tirée vers les exclus : sans papiers, sans domicile fixe, les « sans ». Ceux , qui abandonnés, ne peuvent témoigner. C’est pourquoi, la cabane est de rebut. Des cartons glanés sur les trottoirs ; passer dans l’interstice laissé entre le dépôt des commerçants et l’enlèvement des éboueurs.
Maisons Témoins
« Romain et Laurent fabriquent des dizaines d’autres maisons en carton et les disséminent dans la ville, à proximité des bouches de métro…L’opération, comme souvent est baptisée- pour être solennelle, repérable et historique : « Welcome Homeless »…Des maisons pur rien, des machins bricolés, qui apparaissent disparaissent, qui isolent à peine, protègent que dalle ferment pas à clé, ne résolvent rien, sont déjà ça, déragent le bel ordre citadin qui ne tient jamais très longtemps ; dans les villes l’ordre heureusement ne tient jamais très longtemps.
Joy Sorman Gros Œuvre
Cabanes Calais
« Habiter c’est juste se couvrir la tête, s’isoler d’un sol boueux et froid, quelques centimètres au-dessus de la terre humide et un carré de plastique pour se protéger, se désolidariser du ciel. Ne pas se retrouver surpris et trempé par la pluie, transi sans doute, mais au moins sec… »
« Ils vivent dans les bois, ils vivent dans les cabanes en espérant. C’est là que logent les exilés, des journées entières dans les arbres, dans les ronces, dans la merde et les ordures. À attendre de passer de l’autre côté, du bon côté- si seulement. »
« Dans ces bois en bordure de zone industrielle, coincés ente des parkings, des dunes mitées, un site de stockage de déchets, ils vivent en clandestins et en transit, refoulés, se fondent dans la tristesse d’une nature rongée par la pollution…Des bois crasseux en bord de ZI où se terrer en attendant. »
« Habiter, le plus petit dénominateur commun, la limite le presque rien. Ce sont à peine des cabanes- petits abris sommaires-, plutôt des amas de matériaux de récupération empilés de manière à configurer un cube, une forme approchante, à l’intérieur duquel pouvoir se glisser, tant bien que mal. »
Joy Sorman Gros Œuvre
Et puis voilà, Eric Besson annonce le démantèlement de la « Jungle » de Calais…