Dans la continuité du "Papier Peint", j’ai peint neuf petites pièces à essaimer.
Ces petites huiles, rectangulaires ou circulaires sont conçues comme des trouées à déployer sur la surface peinte qui, elle, représente un débordement, un hors champ.
Essaimage est un projet d'accrochage qui abandonne les cimaises.
Ça déborde, ça sort du cadre.
Huiles sur panneau (24x18 cm) ou sur carton entoilé (tondo, ø 20, 30, 40 cm)
Une grande bande de papier Arches travaillée pour un accrochage.
Je conçois l'accrochage avant même la réalisation des tableaux qui en prendront part.
L'espace de la toile est pour moi un espace extrait d'un tout qui le dépasse, dont il n'est qu'un morceau sur lequel le regard se focalise.
Cet espace restreint est un espace de jeu pour moi, un espace à habiter mais un espace qui indique aussi ce qui le déborde.
En coupant, en tronquant la figure, j'indique un hors-champ, un "au-delà" : ça déborde.
Avec les papiers peints, je travaille ce débordement, ce qu'il y a en dehors de l'espace du tableau.
Ce petit hors-champ devient une scénographie d'accrochage; chaque nouveau tableau n'est pas conçu comme unique, seul mais dans un "à l'entoure" dont il fait partie.
Le jour du dépassement estla date « à partir de laquelle l’humanité est supposée avoir consommé l’ensemble des ressources naturelles que la planète est capable de produire en un an pour régénérer ses consommations ou absorber les déchets produits ».
En 2024, c’était le premier août...
Sur un carnet Moleskine de format japonais (21x312 cm), j’ai peint vingt-quatre gouaches (13x10 cm), toute une ribambelle de figures comme des brèches dans le végétal.
Cette pièce est une trouée de questionnements, je convoque mes petites figures fragiles et ridicules comme les différentes attitudes face au changement climatique.
Dans la linéarité et la redondance du carnet se déploient des expressions corporelles et faciales entre angoisse et dénie.
Quand une petite pièce (des nuages) de circonstance faite en septembre dernier sème ses graines et réapparaît au gré du travail…
Ce corps s’enfonçant dans les nuées a petit air de XVIII° siècle, une réminiscence de Watteau, de Boucher; toutes proportions gardées!
Et la cellulite, outre la revendication du corps réel, est un hommage à Courbet qui fait aimer les défauts.
Je poursuis mon exploration de la réalité corporelle toujours dans ce plaisir de peindre, dans le questionnement du détail. Un exploration d’un corps revendiqué, d’un corps vécu qui a vécu, aussi!
La texture de l’huile me permet d’allier rendu de la peau et celui des nuages. J’ai plaisir à scruter et à rendre les défauts de la peau (la cellulite) avec réalisme mais mon utilisation de l’huile se veut d’une grande douceur.
Mon matériau, mon matériel, ma façon d’apposer la peinture, tout est douceur. Une douceur pour contrebalancer le réalisme.
Ce calme, pour autant, induit une disparition annoncée, la figure disparaît les nuées: une calme disparition .
Je continue mon exploration de la dualité entre la nature et l’humain, entre symbiose et fragilité, dans l’espace clos du tableau et la profondeur des plans.
Un corps s'insère dans des plans successifs de feuillages. Un aplat translucide le couvre/cache en partie, un aplat qui survient pour troubler le regard et l'interroger.
Et puis, encore, ces trouées de lumières, formes abstraites qui matérialisent un feuillage hors champ.
Mon travail est celui du recouvrement, toujours cette obsession du temps, du temps passé à peindre.
J’aime me focaliser sur les détails (feuilles, corps), les transcrire, même s’ils doivent être recouverts.
Cette gratuité du geste dans le peindre m’amuse; je m’échine à une représentation minutieuse qui finalement disparaîtra.
L’espace du tableau est une brèche, à la fois temporelle et spatiale.
J’envisage mon support comme un templum, un espace délimité, le lieu d’observation qu’utilisaient les augures pour interpréter les présages; un arrêt, un espace et un temps d’arrêt et de réflexion.
Cet espace, je le conçois faisant partie d’un tout simplement suggéré. Les formes coupées (jambes, feuillage) indiquent ce hors champ; la scène se poursuit au-delà du tableau, elle déborde.
Le temps est présent, se manifeste par la technique de la peinture l’huile qui impose sa temporalité et ainsi que par la représentation d’un corps vieilli qui est dépôt, marquage du passage.
Les corps enchâssés en référence sont imbriqués dans une profondeur qui les englobe. Une profondeur faite de superpositions de feuilles, d’aplats translucides qui voilent les corps.
Toute une végétation à la fois abris et envahissement.
Des liens, une complexité entre les figures, un jeu entre les figures et le végétal; un dialogue entre l’humain et le végétal.
Le tondo, une nouvelle forme de support à expérimenter.
Pour moi, le disque enferme, il n’y a pas d’échappatoire, ça tourne, ça gire sans fin sur un retour sur la figure.
À partir de la posture duDÉSESPÉRÉ de Gustave Courbet, toujours face au miroir, j’ai peint ce buste avec application.
Après cette retranscription fidèle du reflet, il y a une force, une joie débordante de se lancer, de se lâcher dans un geste non maîtrisé de recouvrement.
Jusqu’où aller, comment?
Des aplats translucides au spalter jusqu’à l’utilisation de chiffons et pinceaux secs , le propos est de cacher et laisser voir, de laisser « apparaître cette disparition », ce souffle, cette buée, cette réalité passagère.
Le lierre est venu conclure ces superpositions et travailler la profondeur.
En référence à la chevelure en paquet de CLOTHO de Camille Claudel, j’ai utilisé cette plante qui s’enroule comme une masse envahissante et cachant.
Toute recherche se fait avec le « musée imaginaire » en tête et convoque des les représentations de l’histoire de l’art.
Ici, cette image d’un gisant, corps allongé au milieu de feuillage appelle la représentation d’Ophélie de John Everett Millais.
Les feuilles structurent l’espace, créent une profondeur sous laquelle apparaît le gisant , « Pâle dans son lit vert où la lumière pleut » (Rimbaud).
Depuis peu, je travaille à l’effacement de la figure ; après un travail abouti du corps, j’ajoute un glacis qui voile la représentation puis j’ajoute des feuilles, des taches, tout un vocabulaire qui semble à la fois protéger le corps abandonné et le diluer sous un couvert de végétation.
Un corps disparaît à la fois sous une pluie de feuillage, un aplat, des taches.
Une illustration de l’humain (>humus mais ces feuilles-là ne se décomposent pas encore) situé dans un espace qui l’intègre, le couvre … à sa juste place, non plus unique mais dans un tout.