Dans l’écrin intime du carnet, des étreintes, des corps enchâssés : des dessins au crayon, une
délicatesse du geste.
Souligner le dessin en l’accompagnant de gouaches inspirées de l’enluminure, pour mieux le
caresser, créer un espace délicat pour ces corps embrassés.
Le visage dans sa nudité, hors de tout marquage de genre, de contexte.
Travailler, traquer le visage comme une bouteille, comme un peintre de nature morte le ferait, le fait ; dans la simplicité du geste.
Un bouquet de pinceaux dans la mains gauche, le visage tient la pose, cherche à tenir, retrouver l’angle, les tensions des muscles, ce sourire esquissé et tout ce fatras fourmillant de rides.
Le regard à la fois posant et scrutateur conduit la main droite qui peint.
Tout le visage devient parcelles à représenter, ni plus ni moins.
Le dispositif est minimal. Le support devant un miroir, une lumière unique : simplement observer et retranscrire
Depuis longtemps, travaillée par la force de la peinture d’Artemisia Gentileschi, avec mes possibilités et le passé de mon travail, j’ai voulu et eu besoin de m’atteler à cette composition.
Au delà de ce que raconte « Judith et sa servante », c’est la composition de ce tableau qui a été la base de cette toile.
Rotondité et lignes.
Les lignes structurent l’espace tandis que les rotondités les adoucissent.
Les corps disparaissent dans l’obscurité laissant le crâne en lumière.
Malgré tout, l’énergie est là, les corps sont en action, tendus.
L’énergie et le spectre se contrebalancent comme l’obscurité et la lumière.
Ces tensions sont adoucies par un unique regard bienveillant.
Aucun sentiment mortifère malgré le réalisme revendiqué, simplement une force qui va, tournant le dos à ce crâne en reconnaissant sa présence; Une force active
Cette toile d’un format inusité, un rectangle étroit de 40x120cm permet voire impose ce louvoiement du corps, une espèce de corde qui se heurte aux parois du châssis ou les déborde.
Ce format et cette sinuosité renvoient à l’art japonais, à ses formes ondulant dans des kimonos.
À chercher dans le côté droit, en bascomme les signatures sur les estampes; la forme d’un
objet sans valeur, détérioré louvoyant, aussi, comme un rappel, un bégaiement.
Travailler la chair dans sa fragilité permet une peinture du détail qui devient abstraite; ventre, genou, là, c’est de la peinture « pure » outre toute figuration; les glacis, les couleurs offrent une abstraction.
Tension située entre les deux verticales, d’une part une barre et d’autre part un bras tendu ; deux verticales qui bornent la toile et à l’intérieur desquelles tout se joue.
Ce qui se joue, encore là, est la narration de l’humain, de corps se tenant, s’accrochant, de chairs vieillies.
Du vivant qui se heurte à la surface lisse des objets.
Le tout est vain.
Les corps ne respectent pas les canons de la beauté et s’imposent. Un regard nargue le regardeur et l’emporte à l’intérieur de la toile, le questionne ; narquois et provocateur, conscient du dérisoire de cette représentation.
Le tout dans le plaisir, la jubilation de saisir grâce au pinceau les volumes de la cellulite, les creux des plis…. pour « étreindre la réalité rugueuse» (Rimbault)
"NOTRE BESOIN DE CONSOLATION EST IMPOSSIBLE À RASSASIER"
(Titre emprunté au texte de Stig Dagerman)
Huile sur toile
146x114 cm
2021
Dans cette construction en triangle, deux corps intimement liés, des objets prosaïques tirés du quotidien et un crâne.
L’association crâne/objets amène la référence de la Vanité mais ces peintres-là, des XVI°, XVII° associaient leur savoir faire à la représentation d’objets rares, précieux, variant les matières afin de montrer lavirtuosité de leur peinture; rien de tel ici, du plastique, du métal, des surfaces froides et lisses: une Vanité contemporaine.
Deux figures enchâssées dans une mélancolie des regards.
Enchevêtrements des lignes des corps en lumière, les lignes rompues auxquelles répondent les courbes et les couleurs des objets.
Le regard est appelé à glisser sur ces corps, à les effleurer comme la lumière puis ricocher sur le bas à droite de la toile, appelé, convoqué par les couleurs.
Seul le crâne semble sourire dans cette mélancolie des figures et cette dérision des objets représentés
Nos temps actuels de contacts restreints, de distanciation sociale me poussent à cette mélancolie des étreintes représentées.
"NOTRE BESOIN DE CONSOLATION EST IMPOSSIBLE À RASSASIER"