Depuis longtemps, travaillée par la force de la peinture d’Artemisia Gentileschi, avec mes possibilités et le passé de mon travail, j’ai voulu et eu besoin de m’atteler à cette composition.
Au delà de ce que raconte « Judith et sa servante », c’est la composition de ce tableau qui a été la base de cette toile.
Rotondité et lignes.
Les lignes structurent l’espace tandis que les rotondités les adoucissent.
Les corps disparaissent dans l’obscurité laissant le crâne en lumière.
Malgré tout, l’énergie est là, les corps sont en action, tendus.
L’énergie et le spectre se contrebalancent comme l’obscurité et la lumière.
Ces tensions sont adoucies par un unique regard bienveillant.
Aucun sentiment mortifère malgré le réalisme revendiqué, simplement une force qui va, tournant le dos à ce crâne en reconnaissant sa présence; Une force active
Cette toile d’un format inusité, un rectangle étroit de 40x120cm permet voire impose ce louvoiement du corps, une espèce de corde qui se heurte aux parois du châssis ou les déborde.
Ce format et cette sinuosité renvoient à l’art japonais, à ses formes ondulant dans des kimonos.
À chercher dans le côté droit, en bascomme les signatures sur les estampes; la forme d’un
objet sans valeur, détérioré louvoyant, aussi, comme un rappel, un bégaiement.
Travailler la chair dans sa fragilité permet une peinture du détail qui devient abstraite; ventre, genou, là, c’est de la peinture « pure » outre toute figuration; les glacis, les couleurs offrent une abstraction.
Tension située entre les deux verticales, d’une part une barre et d’autre part un bras tendu ; deux verticales qui bornent la toile et à l’intérieur desquelles tout se joue.
Ce qui se joue, encore là, est la narration de l’humain, de corps se tenant, s’accrochant, de chairs vieillies.
Du vivant qui se heurte à la surface lisse des objets.
Le tout est vain.
Les corps ne respectent pas les canons de la beauté et s’imposent. Un regard nargue le regardeur et l’emporte à l’intérieur de la toile, le questionne ; narquois et provocateur, conscient du dérisoire de cette représentation.
Le tout dans le plaisir, la jubilation de saisir grâce au pinceau les volumes de la cellulite, les creux des plis…. pour « étreindre la réalité rugueuse» (Rimbault)
"NOTRE BESOIN DE CONSOLATION EST IMPOSSIBLE À RASSASIER"
(Titre emprunté au texte de Stig Dagerman)
Huile sur toile
146x114 cm
2021
Dans cette construction en triangle, deux corps intimement liés, des objets prosaïques tirés du quotidien et un crâne.
L’association crâne/objets amène la référence de la Vanité mais ces peintres-là, des XVI°, XVII° associaient leur savoir faire à la représentation d’objets rares, précieux, variant les matières afin de montrer lavirtuosité de leur peinture; rien de tel ici, du plastique, du métal, des surfaces froides et lisses: une Vanité contemporaine.
Deux figures enchâssées dans une mélancolie des regards.
Enchevêtrements des lignes des corps en lumière, les lignes rompues auxquelles répondent les courbes et les couleurs des objets.
Le regard est appelé à glisser sur ces corps, à les effleurer comme la lumière puis ricocher sur le bas à droite de la toile, appelé, convoqué par les couleurs.
Seul le crâne semble sourire dans cette mélancolie des figures et cette dérision des objets représentés
Nos temps actuels de contacts restreints, de distanciation sociale me poussent à cette mélancolie des étreintes représentées.
"NOTRE BESOIN DE CONSOLATION EST IMPOSSIBLE À RASSASIER"
Graphite, gouache, collage sur carnet format japonais
14x260 cm
2021
De petits dessins de personnages agglutinés dans un carnet.
De petits personnages qui se heurtent entre eux et aux bords, aux plis du carnet malgré son déploiement.
Ces petits personnages cherchent le lien, le contact, parfois y arrivent et parfois leur étreinte est grotesque, seulement grotesque.
Depuis 2012, je me sens à l’aise, au chaud dans ces carnets humbles et pudiques; ces carnets qui ne se découvrent que par le maniement, par l’action des doigts et vite se referment dans leur coffret.
Depuis 2012, j’aime y revenir.
Seules les techniques diffèrent : feutre et aquarelle, graphite, puis graphite avec ajout de gouache.
La minutie du travail m’a portée vers la miniature, en toute modestie.
Je m’y suis penchée.
HUG reprend, réinvestit humblement ces techniques phénoménales par le travail d’une petite enluminure pour introduire le titre et une gouache pour clore le carnet.
Le travail de la gouache reprend des motifs décoratifs de débordement, les couleurs. Quelques motifs et collages de vieux papier scandent la litanie.